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Souvenirs de guerre du recteur Georges Lyon 1914-1918

Souvenirs de guerre du recteur Georges Lyon 1914-1918
Presses universitaires du Septentrion 476 pages
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Avis de Adam Craponne : "L’Allemagne est une nation artiste mais à la façon néronienne (Georges Lyon)"

Georges Lyon est le gendre de Marcellin Berthelot , un scientifique nommé inspecteur général de l'instruction publique en 1876. Ce dernier devenu sénateur inamovible en 1881 est choisi par René Goblet comme ministre de l’Instruction publique (tâche qu’il exerce durant la durée de ce ministère de décembre 1886 à mai 1887) et ministre des Affaires étrangères par Léon Bourgeois fin 1895.

Georges Lyon est né en 1853, il a été professeur de philosophie en lycée,  à l’université et à l’École normale supérieure, avant d’être nommé recteur de l’académie de Lille en 1903, un poste qu’il occupe jusqu’en 1924. L’académie de Lille est la seule à compter d’une part un département totalement occupé (les Ardennes) et aucun de ses départements sans une présence de l’ennemi (Nord, Pas-de-Calais, Somme et Aisne).

Georges Lyon, comme un grand nombre de fonctionnaires civils, reste à son poste de recteur à Lille. Dans ses mémoires, il parle que  très incidemment des inspecteurs d’académie et inspecteurs primaires qui ont passé le conflit dans leur ville de résidence occupée par les Allemands. Il est à noter, d’après nos propres recherches, que certains d’entre eux ont pu être rapatriés au cours de la guerre, avec l’accord des occupants. C’est par exemple le cas de Mlle Mouflard, inspectrice maternelle des départements des Ardennes et de l’Aisne.

Jean-François Condette présente Georges Lyon et les divers écrits qu’il laisse ; ceux-ci ont été regroupés sous le titre de  Souvenirs de guerre du recteur Georges Lyon 1914-1918 mais il s’agit de documents très hétérogènes rédigés entre 1914 et 1920. Remarquant que ces écrits évoquent quasiment jamais l’enseignement primaire, l’enseignement secondaire uniquement pour le cas de Lille et l’enseignement supérieur nettement plus, Jean-François Condette s’attache en une trentaine de pages à donner quelques pistes complémentaires sur ces  trois ordres en s’appuyant sur d’autres documents.

Toutefois lui-même ne s’appuie essentiellement que sur les archives départementales du Nord en plus des réponses au questionnaire envoyées par les enseignants restées en zone occupée. Ce document est élaboré par Georges Lyon et est publié en 1920 dans les bulletins départementaux de l’enseignement primaire des cinq départements de l’académie et le bulletin pour l’enseignement secondaire de l’académie de Lille. Les réponses sont, à ce jour, consultables à la BDIC de Nanterre. D’autre part Jean-François Condette a sélectionné une bonne vingtaine de photographies (la plupart du temps pleine page) qui représentent souvent des personnalités (y compris des militaires allemands) ou des vues de Lille (généralement après son siège d’octobre 1914 qui a causé de nombreuses destructions).     

Les civils français sont très vite limités dans leur possibilité de déplacement, et c’est donc le cas aussi pour le recteur. En fait c’est "Lille à l’heure allemande" qui nous est contée, cette grande ville étant occupée d’octobre 1914 à octobre 1918. Le 19 octobre 1918 Clemenceau (chef du gouvernement) coiffe sur le poteau le président Poincaré qui n’arrive que deux jours plus tard pour rendre hommage au courage des Lillois. Pour des précisions sur la venue de Georges Clemenceau à Lille, au lendemain de sa reprise, on ira consulter Clemenceau au front de Samuel Tomei où il est précisé en particulier que l'accompagne son ministre de l’Armement Louis Loucheur, né à Roubaix en 1872 et futur député centre droit du Nord de 1919 à 1931

Pendant quatre ans « le pillage règlementaire méthodique, embelli du nom de réquisition, celui-là s’est exercé dans tous les ordres de production ». Le cuivre est présent dans les biens d’établissements scolaires ou universitaires par exemple et comme d’autres matières il doit être livré aux occupants. Par ailleurs l’armée allemande installe une partie de ses troupes dans lycées ou écoles, voire des bâtiments de l’université, le recteur doit trouver des locaux de substitution ou organiser la répartition des parties restantes d’un bâtiment partiellement occupé par l’ennemi. Les jeunes et les femmes sont réquisitionnés pour nombre d’entre eux afin de partir travailler en Allemagne,  Georges Lyon tâche d’éviter cette épreuve en particulier aux étudiants. Alors que l’absentéisme battait des recors d’avril à la mi-août (les vacances sont alors fin août et septembre) à la Belle époque, les autorités allemandes entendent bien le sanctionner (cela facilite le contrôle des populations) en faisant payer des amendes aux parents, aussi il y a des classes bien remplies au printemps et au début de l’été durant ces quatre années scolaires.  A contrario, faute de chauffage, elles sont désertes de très nombreux jours en hiver 1916-1917 et 1917-1918 (page 85).

De nombreuses intérimaires sont recrutées pour remplacer le personnel enseignant mobilisé ou celui qui a fui.  On maintient dans la mesure du possible les examens, mais là encore il faudrait approfondir la question. Nos propres recherches nous ont montré que certains maires s’opposaient à la tenue du certificat d’études en cette période. Georges Lyon déclare :

« Ma mission serait ici de maintenir dans son intégralité l’enseignement public à tous les degrés et d’épargner aussi à nos chères populations le surcroît de souffrances qu’entraînerait la privation de cet enseignement. »   

Nombre de difficultés sont partiellement levées grâce aux entretiens de Georrges Lyon a avec les autorités d’occupation, si bien qu’un petit nombre de militaires allemands ont droit d’être cités à plusieurs reprises. Le préfet Félix Trépont,  le sous-préfet d’Avesnes-sur-Helpe François Anjubault qui succède (à la demande des Allemands) au précédent, le député SFIO Henri Ghesquière, Albert Calmette (à la direction de l’Institut Pasteur de Lille), le maire socialiste de Lille Charles Delesalle, celui de Roubaix Jean-Baptiste Lebas de même sensibilité, Gustave Dron le maire radical de Tourcoing qui en tant que médecin développe tout un arsenal sanitaire dans sa ville et est déporté en Lituanie pour faits de résistance, le belge Léon Trulin fusillé à Lille alors qu’il a dix-huit par les autorités militaires allemandes pour espionnage, le conservateur du musée des Beaux-Arts de Lille Émile Théodore, les professeurs Oscar Lambret et Eugène Carlier de la faculté de médecine, le député Gustave Delory (ancien maire socialiste de Lille), Monseigneur Charost évêque de Lille très proche de l’Action française (salué pour son esprit d’Union sacrée qui incite à mettre temporairement sous le coude les attaques contre les défenseurs de l’école laïque),  en particulier sont évoqués. Nombre d’entre eux ont aujourd’hui un édifice public, une place ou une rue à leur nom dans l’agglomération de Lille.

Cet ouvrage offre de très nombreuses bonnes surprises comme par exemple l’opinion à chaud de notre recteur sur l’ouvrage Le feu d’Henri Barbusse que les Allemands autorisent à la vente, en espérant sûrement qu’il démoralisera quelques lecteurs sur la capacité de la France à remporter la victoire.  Georges Lyon cite souvent le contenu du Bulletin de Lille un bihebdomadaire qui est publié,  sous contrôle allemand, par la municipalité de Lille  avec pour gérant est Paul Cornil. Le premier numéro date du 15 novembre 1914 et on peut consulter nombre de ses numéros ici http://www.gutenberg.org/wiki/Bulletin_de_Lille_%28Bookshelf%29   

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Pour connaisseurs Quelques illustrations

Adam Craponne

Note globale :

Par - 734 avis déposés - lecteur régulier

465 critiques
27/09/16
Lille, chronique d’un musée en zone occupée

http://webmuseo.com/ws/musenor/app/collection/expo/64
400 critiques
05/10/16
L’occupation dans la Somme par Gerd Krumeich et Philippe Nivet Vendredi 21 octobre 2016 à 19H00
Historial de la Grande Guerre à Péronne
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