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La France, terre de mission américaine

La France, terre de mission américaine
Vendémiaire 283 pages
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Avis de Ernest : "Truman lance la bombe atomique sur le Japon et lâche la bande des quatre sur la France"

Aujourd’hui les évangélistes sont à coup sûr le seul mouvement religieux se réclamant du christianisme à être dans une très bonne dynamique en France. Les Témoins de Jéhovah revendiquent à ce jour près de 130 000 fidèles dans ce pays. Les mormons, dont la vision du christianisme est aussi restaurationniste, se disent 38 000 dans l’hexagone et on relève que leur porte-parole sur le territoire français Dominique Calmels, pour les questions de fiscalité, a fait partie de l’équipe de campagne de Brune Le Maire (actuel ministre des Finances) lors des primaires de la droite et de François Fillon pour les présidentielles. Il est donc bon de voir dans quelles conditions ces mouvements religieux tentèrent, au début de la Guerre froide, une quasi première implantation dans les fourgons de l’Oncle Sam. Le président Truman  analyse la Guerre froide comme la lutte finale entre croyants et mécréants marxistes.

Jean-Marie Autran s’attache  à montrer tout d’abord le rapport aux religions qu’entretient le successeur de Franklin Roosevelt à la Maison blanche et la diversité religieuse des USA dans les années 1940 plus les conséquences de la mainmise par Moscou de pays de tradition catholique (Lituanie, Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie). Alors qu’en matière de politique étrangère le gouvernement américain collabore avec le Vatican et que les catholiques américains sont devenus fort nombreux, ce sont les mouvements protestants américains qui vont tenter de mobiliser les Français, derrière une foi religieuse et une idéologie de l’American way of life, contre l’influence des idées communistes.

Cette American way of life, par l’historicité et la profondeur des liens qui unissent les catholiques français tant à Rome qu’à leurs traditions, ne peut être portée par les fidèles français du pape d’autant que certaines tentations issues du catholicisme social débouchent (comme celle des prêtres ouvriers) sur ce qui, aux yeux des Américains, relève du crypto-communisme. «  En promouvant le concept d’ American way of life, c’est-à-dire une religion civile américaine pour lutter contre les Soviétiques, le président Truman a nationalisé son combat chrétien. Cela n’a pu qu’entrer en conflit avec le nationalisme chrétien propre aux Français, qui réciproquement prône un autre exceptionnalisme historique » (page 166).

L’ American way of life est selon Robin M. Williams un système qui « inclut à la fois une plomberie qui fonctionne, la possibilité de saisir sa chance, le Coca-Cola et une foi profonde dans l’éducation » (page 68). Pour le président Truman « la démocratie est d’abord spirituelle. (…) [Elle] est construite sur une base spirituelle, sur la croyance en Dieu et sur un respect des principes moraux » (page 72).

L’auteur dépend de sources rédigées pour partie par des membres des Églises en question qu’il ne peut évidemment vérifier une à une ; il rapporte ainsi ce propos de L.S. Jeppson concernant les mormons (au passage il est impossible de comprendre à l’aide du contenu de ce livre d’où il est tiré, la note renvoyant à "opinion citée" et il semble que l’on soit face à une absence de note précédente informative) :

« À la Rochelle, la municipalité communiste se livre à une chasse permanente avec les missionnaires obligés de quitter la ville sous 48 heures » (page 206)

On a là un bon exemple de désinformation, en effet il n’y a jamais eu de maire communiste dans la préfecture de Charente-Maritime par contre quasiment tous les maires de la cité sont d’origine protestante. Ce sont donc des chrétiens bien informés des dérives doctrinaires des mormons qui chassent ces missionnaires, mettre cette action sur le dos des communistes permet de masquer l’hostilité de l’Église réformée à l’encontre des mormons. C’est d’ailleurs l’antipathie des catholiques, réformés et luthériens à l’égard de la bande des quatre (évangéliques, mormons, baptistes ou témoins de Jéhovah) qui, plus que l’opposition marxiste, est la cause de l’échec de cette réinvengélisation par la fenêtre du christianisme hétérodoxe. En fait seuls les mennonites américains pouvaient se trouver des origines très conséquentes dans l’hexagone, et pas seulement en Alsace comme le signale Jean-Marie Autran mais aussi dans le Pays de Montbéliard, le Territoire de Belfort, en Meurthe-et-Moselle et en Moselle. Les succès de ces Églises sont manifestes lorsqu’elles s’attaquent à la même époque à un terreau quasi vierge de traditions chrétiennes comme la Corée ou Taiwan.  

C’est en 1948 qu’est créé le Conseil œcuménique des Églises, dont l’Église catholique n’est pas membre. On découvre tout au long de l’ouvrage le rôle primordial en matière d’œcuménisme qu’eut le président Truman dans ces années d’après-guerre. Toutefois « Le 28 septembre 1951, il admet presque la défaite tout en espérant encore un sursaut. Il n’a pas pu rassembler les grandes religions : « Même les églises chrétiennes n'ont pas encore été capables de s’unir dans une déclaration commune de leur foi, que le Christ est leur Maître, leur Rédempteur et la source de leur force contre les armées de l'irréligion et le danger dans le monde, et que cela sera la cause d'une catastrophe mondiale ». (page 236)

Par ailleurs le président Truman a mis le doigt dans un engrenage d’autant plus dangereux que certains de ses successeurs ont élargi leur appui à des confessions musulmanes : « Nous pourrions évoquer ici de nouvelles théostratégies inattendues, comme le goût que la politique étrangère américaine a acquis dans les décennies qui suivent pour la mobilisation des forces religieuses autres que chrétiennes contre le communisme. Le soutien militaire et financier donné aux forces conservatrices musulmanes du Moyen-Orient, dans le cadre de la guerre psychologique, en Afghanistan et en Égypte par exemple qui tout en ayant pour effet d’activer la chute du monde soviétique, a contrarié la sécularisation contemporaine des pays musulmans (pages 237-238).

Une mauvaise coupure du texte de la thèse ici :

«  En 1947, le député catholique MRP Pierre Pflimlin reçoit le portefeuille du Ministère de l’Agriculture et celui du Comité de l’Agriculture à l’Assemblée Nationale passe du PCF au MRP ». (page 504)

se traduit par le passage d’une information quasiment surréaliste dans le livre, en pouvant laisser croire au déclin de l’influence communiste dans l'année en question :

« En 1947, le député catholique Pierre Pflimlin reçoit le portefeuille du Ministère de l’Agriculture et passe du PCF au MRP ». (page 164)

Pour connaisseurs Aucune illustration

Ernest

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