L’Islam pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas encore)

Quatre choses sont indispensables afin de comprendre ce que le XXIe siècle sera, selon nous. L’honnête homme européen  (référence à Montaigne) doit se faire une opinion propre sur la question de l’écologie, des réfugiés, sur l’évolution de la Chine et les fondements de l’Islam.

Annie Laurent livre ici un ouvrage qui éclaire prodigieusement sur le dernier point. C’est le regard vulgarisateur et scientifiquement historique d’une experte convoquée au Synode spécial de 2010 des évêques pour le Moyen Orient. Les dix chapitres abordent chacun une petite dizaine de points qui permettent d’assimiler les noyaux durs de cette religion et les éléments qui font débat. On relève cette élégante formulation:

« Une première prise de conscience est nécessaire : le monde musulman, n’ayant pas la connaissance d’un Dieu qui aime chaque homme d’un amour infini, souffre dramatiquement de manque d’a-mour et de considération. Telle est la cause principale qui conduit certains de ses membres à des actions d’extrême violence ».

Ponctuellement lorsque cela s’avère parlant pour une approche antinomique, l’auteure renvoie à la culture chrétienne. Justement avec la question du Coran incréé, à savoir parole de Dieu, qui fait de l’arabe une langue sacrée, l’auteur rappelle qu’en matière de christianisme il y a plusieurs langues qui expriment traditionnellement le sacré (latin, syriaque, copte, grec, arménien) et une prière dite une langue moderne voire en patois a autant de valeur que la même prière dite en latin par exemple. Ce n’est pas le cas en islam et d’ailleurs la traduction du Coran en langue vulgaire a été très longtemps interdite. Annie Laurent poursuit en évoquant les textes sacrés pour les musulmans ; ce sont le Coran, la Sunna (contenant les hadiths) et la Sîra (où les expéditions militaires menées par le Prophète tiennent une large place). Se pose immédiatement la question des contradictions contenues déjà dans une même source et dans les sources entre elles. On sait par exemple qu’entre les révélations faites à La Mecque et celles faites à Médine le ton différence. Dans le premier contexte le Prophète n’est qu’un chef religieux tandis que dans la seconde situation il est en plus un chef politique. Ainsi la tolérance envers les gens du Livre se transforme ultérieurement en appel à les humilier et à leur faire payer un tribut. Alors se pose évidemment l’épineuse question de savoir quel précepte doit prévaloir sur tel autre, on appelle alors à la rescousse la science de l’abrogeant-abrogé. Il est rappelé que le Soudanais Mahmoud Taha a été pendu en 1985 pour avoir soutenu que seule la partie spirituelle (en gros celle de La Mecque) du Coran avait une valeur .

Le deuxième chapitre développe une présentation des courants schismatiques. Les questions par rapport à l’islam politique suivent ; si la violence physique n’est pas toujours de mise elle apparaît sous une des deux formes du djihad.  Par ailleurs se pose la question des droits pour les non-musulmans dans un pays où l’islam est religion d’état . On retiendra ceci :

« En fait, tous les actes humains, publics et privés, même les plus intimes, sont appréciés à l’aune de la charia.  (…) Le dieu de l’islam est donc le Législateur suprême. Il définit une fois pour toutes, ne varietur, le licite et l’illicite, ne laissant que très peu d’espace à la raison, à l’adaptation et à la conscience » (page 107).

Les pages consacrées aux "attitudes nouvelles au sein de l’Islam" sont un peu légères en nombre. On aurait aimé en savoir plus sur ceux qui essaient de réfléchir à un islam soluble dans les valeurs républicaines de la France, mais l’auteure n’était peut-être pas la mieux placée pour répondre à cette question.