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Les missionnaires de la République

Les missionnaires de la République
Vendémiaire478 pages
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Avis de Adam Craponne : "La géographie ça sert aussi à faire la révolution"

On va se permettre ici de parodier un mot d’Yves Lacoste: "La géographie ça sert d’abord à faire la guerre" ; ceci afin de souligner les erreurs dans le tracé des départements pour des cartes au demeurant fort intéressantes. Non le département du Mont-Terrible ce n’est pas le Territoire de Belfort plus les terres de l’évêché de Bâle, mais bien ces dernières avec la partie de la principauté de Montbéliard réduite à celles du comté éponyme, le département du Var comprend l’arrondissement de Grasse (celui-ci ne sera cédé aux Alpes-Maritimes qu’après 1860), le Tarn-et-Garonne d’aujourd’hui n’est pas entièrement intégré dans la Haute-Garonne et enfin ni les Ardennes, la Moselle et le Bas-Rhin, le Doubs et l'Ain n’ont un tracé de frontière avec les pays étrangers qui est celui d’aujourd’hui. Et je fais grâce du cas particulier de Mulhouse, enclavé dans le Haut-Rhin et des passages d'un département à l'autre de communes. Bef pour parler de la France de la Convention, on ne prend pas une carte des départements de l'an 2000 en se disant qu'on va la bricoler, surtout si on manque sérieusement de connaissances pour le faire.

Je suis profondément désolé d’avoir dû relever cela car cet ouvrage, qui avait été publié en 2002 aux éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS), est vraiment éclairant. Il y manque toutefois un index des noms de personnes citées. Possédant un livre, publié par Créer, intitulé "Noël Pointe : un conventionnel stéphanois (1755-1825)" de Pierre Roy, il m’aurait plu de voir facilement ce qui était dit des actions de ce représentant du peuple en mission dans l’ouvrage de Michel Biard. Par ailleurs le Vendéen Philippe Charles Aimé Goupilleau de Montaigu (c’est-à-dire ici celui qui est élu et résidant dans le département de Vendée et pas celui qui est contre-révolutionnaire) m’intéresse et ce n’est qu’en lisant très attentivement que je vois qu’il a assuré pas moins de huit missions (page 107).  Mais la règle de ne pas mentionner les prénoms me gâche le plaisir car il y a deux Goupilleau de Montaigu qui siègent à la Convention et j’ose espérer que c’est mon Philippe et pas Jean François (j’en aurais la confirmation par internet grâce aux documents que Michel Biard a mis en ligne).    

Ce dernier explique bien que c’est à l’abbé Fabry qu’il emprunte le titre de son propre ouvrage, en effet ce dernier publie en 1819 un pamphlet "Les missionnaires de 1793" dénonçant les crimes des représentants en mission envoyés par la Convention nationale. Rappelons que celle-ci eut trois phases : la girondine (septembre 1792 à juin 1793), la montagnarde (juin 1793 à juillet 1794)  et la thermidorienne (juillet 1794 à octobre 1796). C’est le  Directoire qui lui succède.   

«  L’institution des représentants en mission, telle  qu’elle se met en place au printemps 1793, invente un tout autre député, qui obtient des pouvoirs immenses (mais, nous le verrons non illimités), qui se transforme en homme-orchestre de la Révolution, contraint qu’il est d’intervenir dans les domaines les plus divers, un député plus que jamais conçu comme un intermédiaire entre la capitale et tous les "pays" de la République, entre gouvernants et gouvernés ». (page 70)

Dans le chapitre intitulé "portrait de groupe en costume", Michel Biard montre que selon les trois périodes de la Convention, les 426 représentants en mission (ne sont comptabilisés que ceux à qui on est sûr qu’a été attribué cette fonction par la Convention, on exclut donc par exemple les députés d’avant mars 1793 qui remplissent des missions en province sans avoir ce titre) n’ont pas la même couleur politique, ils sont très majoritairement montagnards jusqu’en juillet 1794 et appartiennent à la plaine pour une bonne moitié après Thermidor. Durant l’ensemble de la Convention, une très petite minorité de ces missionnaires sont girondins. Michel Biard recense les professions d’origine, ce qui l’amène à souligner que Noël Pointe  est un ouvrier armurier (pages 83-84), contrairement à  Pierre Roy il ne précise pas qu’il est l’unique représentant de la classe ouvrière tant à  la Convention que parmi les représentants en mission.   

Dans les chapitres qui suivent, l’auteur s’interroge sur la durée moyenne d’une mission, ses objectifs (variés, ils peuvent concerner l’instruction publique, les routes, les subsistances … et pas seulement une épuration)  et sur l’ampleur des pouvoirs dont dispose un missionnaire. Il s’inquiète également de connaître les finalités et modalités de leurs actions, se montrent-ils intransigeants en paroles ou en actes (il pointe en particulier des péroraisons de Laplanche à Orléans en septembre 1793), servent-ils de médiateurs entre personnalités locales ou entre le pouvoir central et les autorités du lieu ? Leur rôle aux armées est bien particulier et l’auteur rappelle que Danton en septembre 1793 avait relevé la confusion qu’entraînait la présence de plusieurs représentants en mission sur le terrain de la Vendée militaire.

Les cas d’exactions d’un Carrier, François Laporte (pour Lyon) ou d‘un Fouché sont passés au crible et il semblerait que des personnages comme Joseph Boisset (élu de la Drôme) ait laissé à Lyon en mai 1795 se perpétrer les massacres car en tant qu’agent royaliste il entendait offrir des arguments aux contre-révolutionnaires  (pages 116 et 428). La question de la mise en accusation après Thermidor de certains pour leurs crimes est abordée en particulier assez longuement à travers le cas de Carrier (pages 382 à 388) ou très ponctuellement page 397 avec Maignet (député du Puy-de-Dôme) pour le Vaucluse, Javogues (représentant du Rhône-et-Loire) pour la Loire ou Bô (malheureusement orthographié "Bo", ce qui empêche de le chercher dans wikipédia et d’apprendre des choses bien plus intéressantes que le fait qu’il représentait l’Aveyron).

Sur le site http://grhis.univ-rouen.fr/grhis, en poursuivant sur http://grhis.univ-rouen.fr/grhis/?page_id=10155, on trouve des fichiers PDF intitulés :  Fichier alphabétique des représentants en mission (mars 1793 – octobre 1795), Tableau général du mouvement des représentants en mission (mars 1793 – octobre 1795), Tableaux des représentants du peuple en mission par département (mars 1793 – octobre 1795), Tableau général du mouvement des représentants du peuple en mission près les armées (mars 1793 – octobre 1795) ainsi que Sources et bibliographie.

Pour connaisseurs Peu d'illustrations

Adam Craponne

Note globale :

Par - 734 avis déposés - lecteur régulier

401 critiques
05/07/16
"Les origines de La Marseillaise" du 25 juillet au 7 octobre 2016 au musée de l’Armée.
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