Avis de Benjamin : "D’une installation du christianisme au détachement des références religieuses dans la société"
La préface est de Jean-Paul Delahaye qui fut président du CNAL en 2017-2018, au nom de la Ligue de l'enseignement dont il était alors vice-président. Il est inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale. On peut relever dans celle-ci: « Dans une période qui vit le retour du fait religieux dans le débat public et dans un contextecqui conduit les pouvoirs publics à devoir rappeler le cadre du pacte républicain laïque pour résister à la tentation du communautarisme, la vaste fresque dressée par Michel Seelig est fort bienvenue » (page 7).
Cet ouvrage permet de suivre pas à pas tous les mouvements d’imprégnation de la culture chrétienne dans la société puis de sécularisation depuis l’Antiquité à nos jours. Constantin Ier fait du dimanche un jour de repos le 7 mars 321 en hommage au Sol Invictus ( Soleil invaincu), donc en reprenant une divinité païenne. Un des titres messianiques de Jésus-Christ étant "soleil de justice", les chrétiens font du dimanche le jour du Seigneur.
L’édit de Thessalonique en 380 rend le culte chrétien officiel et obligatoire dans l’Empire romain. La conséquence est que toute personne ne professant pas la foi chrétienne se voit interdire toute fonction publique. Si certains temples païens sont détruits, la la majorité sont transformés en églises, après sortie des idoles et aspersion d’eau bénite.
Tant que les structures du pouvoir impérial tiennent, perdure la mainmise de ce dernier sur l’Église. Cependant, au sein de l’Empire romain d’occident, vu la déliquescence de l’autorité des empereurs siégeant à Rome ou Ravenne, les évêques prennent de plus en plus de responsabilités administratives et judiciaires dans la cité où est leur siège. Sous les Mérovingiens perdure la désignation des évêques par les autorités religieuses locales, mais avec les Carolingiens se dessine un mouvement de nomination des évêques par le souverain. Avec le couronnement de Charlemagne comme empereur par le pape en 800, on passe à un système de théocratie royale au service de l’Église.
Le second chapitre s’intitule "Le roi très chrétien Xe-XVIIIe siècle", on y relève notamment l’influence de la réforme grégorienne, qui d’ailleurs est à l’origine du célibat des prêtres. Les clercs sont drastiquement distingués des laïcs. « L’Église s’engage dans un ample processus de renforcement des structures institutionnelles et le durcissement de son emprise idéologique » (page 46).
Philippe Auguste rédige la première ordonnance d’expulsion des juifs en 1182, mais celle-ci ne s’applique que dans les villes du domaine royal et pas dans l’ensemble du royaume. Avec Philippe le Bel, les rois de France commencent à intervenir grandement dans la vie de l’Église de France. Ajoutons personnellement que Philippe le Bel initie la suppression des fonctions civiles pour les tribunaux ecclésiastiques. Les successeurs du roi de fer entendent nommer eux-mêmes les évêques, alors que ceux-ci l’étaient par le pape. Ceci est officialisé par la publication unilatérale de la Pragmatique Sanction de Bourges en 1438, selon la volonté de Charles VII (roi indissociable de l'épopée de Jeanne d’Arc).
Dans cette partie, on évoque la fin de l’unité religieuse en Europe occidentale, avec l’apparition des protestantismes. Ceci conduite dans un premier temps à l’Édit de Nantes et dans un second mouvement à son abrogation. Les soubresauts religieux dus aux problèmes liés au jansénisme ne sont pas oubliés.
On apprend que, du fait de l’alliance entre le France et l’Empire ottoman initié par François Ier, on a 150 000 Morisques quittant l’Espagne qui viennent se réfugier dans le sud de la France en 1610. Un cinquième repart vers l’Afrique du nord dans les années qui suivent et les autres s’assimilent progressivement. Plus loin est évoquée la gestion au milieu du XIXe siècle de l’univers musulman en Algérie coloniale. On est passé là dans un chapitre plus spécialement consacré aux ruptures dues à la Révolution française et à la signature du Concordat.
Le volet suivant traite des étapes successives conduisant, dans la première partie de la IIIe République à la loi de 1905. Les notes renvoient, comme dans le reste de cet ouvrage, à des ouvrages qui permettent d’en savoir plus sur les diverses lois laïques (tel La Laïcité à la française. Scruter la loi de 1905 d’Émile Poulat et Maurice Gelhard) ou sur les places respectives de l’enseignement public et l’enseignement privé notamment avant et après la loi Falloux (comme le tome troisième de L’Histoire générale de l’enseignement et de l’Éducation en France, sous la plume de François Mayeur).
Si la loi de Séparation de l’Église et de l’État est un moment clé, il est bon de ne pas ignorer que la sécularisation est en marche antérieurement. Ainsi peut-on retenir la progressive sécularisation des établissements hospitaliers parisiens entre 1879 et 1899, que l’année 1880 est marquée par la dissolution en France de l’ordre des jésuites, que la suppression des prières publiques lors de la rentrée du parlement date de 1884, qu’en 1885 l’église Sainte Geneviève devient le Panthéon et enfin qu’en 1900 disparaît la messe lors de la rentrée des Cours et Tribunaux où la présence des métiers juridiques état requise.
On apprécie que le contenu se termine par quatre pages de repères chronologiques. On démarre par la conversion en 312 de Constantin Ier qui précède d’un an l’Édit de Milan accordant la liberté de culte à tous et non aux seuls chrétiens comme on le fait généralement savoir. La liste se clôt par les dates de 2013 correspondant à l’installation par le président François Hollande de l’Observatoire de la laïcité (dont la création datait de 2007, mais cet organisme avait été mis en suspens pendant une demi-douzaine d’années) et de 2017 avec la publication la loi Égalité Citoyenneté qui, au milieu de diverses dispositions, supprime le délit de blasphème en Alsace-Moselle (il n’existait plus depuis 1881 dans la République française).
coup de coeur !Pour connaisseurs Aucune illustration