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Pierre Naville : Biographie d’un révolutionnaire marxiste, 2

Pierre Naville : Biographie d’un révolutionnaire marxiste, 2
L’Harmattan 479 pages
1 critique de lecteur

Avis de Adam Craponne : "Être fait prisonnier dans le village natal de Vauban en 1940, de quoi en faire une jaunisse et c'est ce qu'il fit!"

On avait quitté Pierre Naville sur son exclusion de la IVe Internationale, toutefois l’Histoire montre que dans le trotskysme on trouve après-guerre de nombreux militants membres d’organisations n’adhérant pas à la Quatrième Internationale, on aurait pu retrouver Pierre Naville se réclamant toujours de ce courant d’idées. Ceci d’autant que la mort du Vieux, qu’il apprend alors qu’il est prisonnier de l’armée allemande, le marque profondément. En fait coupé de toute organisation durant la guerre, il rejette les idées trotskystes de guerre impérialiste d’où sortira un mouvement révolutionnaire comme en 1871 et 1917. Il va rester marxiste toutefois et va porter un intérêt particulier aux luttes de décolonisation.  

En 1940 on célébrait le deux-cent-cinquantième anniversaire de l’invention de la baïonnette à douille, ce qui rendait rageant de se retrouver détenu par les soldats allemands, d’autant plus que Vauban avait beaucoup agi afin que la France soit protégée des invasions. C’est justement d’une hépatite virale ou jaunisse  qu’il souffre en octobre alors qu’il est dans un camp de prisonniers à Juvigny dans la Marne ; comme plus de 300 000 soldats français (soit un sixième du total des prisonniers) il est libéré pour raisons médicales. Une petite recherche sur internet nous append d’ailleurs que des camps de prisonniers français de race blanche en France perdurèrent jusqu’en avril 1941 pour pas mal d’entre eux et même au-delà (on sait que les hommes détenus des troupes coloniales restèrent dans l’hexagone pour des raisons purement racistes).

C’est Michel Collinet professeur agrégé de mathématiques qui l’accueille à Paris, nous ajouterons personnellement que ce dernier est devenu en 1938 l’époux de Simone née Kahn, la première femme d'André Breton donc une parente de l'épouse de Pierre Naville. Nous ne l'avions pas signalé pour le premier tome mais sans aller dans des secrets de chambre à coucher, on aurait aimé apprendre certaines choses sur son épouse, la famille de celle-ci et ses éventuels enfants; tout le monde n'aura pas l'idée d'aller quérir certaines informations disponibles déjà au moins sur internet. Michel Collinet est par ailleurs passé par la SFIC, le trotskysme et le PSOP.

Après avoir suivi une formation d’une année universitaire, notre personnage assure la direction des services d’orientation professionnelle à Agen de novembre 1942 à décembre 1944. Il va s’intéresser au behaviorisme et il rédige La théorie de l’orientation professionnelle ; en 1945, grâce vraisemblablement au soutien de René Zazzo il est boursier au laboratoire de psychologie de l’enfant dirigé par Henri Wallon. De la psychologie, il va passer à la sociologie suite à des conflits où son passé, d’ancien trotskyste face à des chercheurs communistes, joue d’un certain poids. Il se déclare hostile au plan Langevin-Wallon qui pendant trente ans va être la référence en matière d’enseignement pour le PCF (et les enseignants syndicalistes qui sont proche de lui). En effet pour lui « la coupure  entre l’école et l’entreprise est artificiellement maintenue, la rupture entre l’enseignement général et la vie professionnelle est tout autant réaffirmée, séparant ainsi autoritairement le citoyen du salarié »( page 45).

Cette image n'est pas dans le livre

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On verra à travers quelles organisations que l’on pourrait qualifier de socialistes de gauche, Pierre Naville va continuer à militer ; cela lui vaudra en particulier de côtoyer pendant environ quinze ans Michel Rocard à la direction du PSU et donc à le soutenir aux élections présidentielles de 1969. Par ailleurs il va produire des réflexions en matière d’enseignement (commentant d’ailleurs les positions de la Fédération de l’Éducation nationale), d’évolution des formes de travail, de réunification syndicale et de coordination des centrales syndicales au niveau européen, de décolonisation, de féminisme, d’autogestion, d’évolution de l’URSS, du militarisme (avec la prise en compte des conséquences de la prolifération de l’arme nucléaire, des guerres de Corée et d’Indochine), de Marché commun.

Ce second tome est sous-titré Du front anticapitaliste au socialisme autogestionnaire 1939-1993. La dernière phrase de l’ouvrage est :

«  Ce passionné de la révolution, de toutes les révolutions, cet ardent défenseur de la conscience ouvrière se présente comme l’homme des minorités de combat pour le complet affranchissement de l’homme contre la tradition et le passé » (page 448).  

On apprécie beaucoup les photographies, la liste des sigles prenant trois pages et l’index des noms propres 

Pour connaisseurs Quelques illustrations

Adam Craponne

Note globale :

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