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Les somnambules

Les somnambules
Flammarion668 pages
2 critiques de lecteurs

Avis de Oiseau Moqueur : "Sous ce pavé, la guerre"

Lu en version originale

L’auteur historien australien nous retrace d’un point de vue essentiellement diplomatique comment les premières années du 20 ème siècle on conduit à la première guerre mondiale. Il nous détaille par le menu les stratégies d’alliance de la France, GB, Allemagne, Russie, Autriche-Hongrie, Serbie et plus sporadiquement de l’empire ottoman et de l’Italie, les diverses crises ayant influencé celles-ci (guerres balkaniques, compétition coloniale), le processus décisionnel de chaque pays, le contexte ayant abouti à l’attentat de Sarajevo enfin l’enchainement des évènements de juin à août 14 (sans que la chronologie des derniers jours soit très claire). L’ouvrage ne s’intéresse pas aux aspects idéologiques et économiques. Même si l’auteur fait tout pour éviter le débat sur les responsabilités on ne peut l’éviter soi même. L’impression qui en résulte est donc :
La Serbie pratique un irrédentisme dangereux et soutient au moins passivement l’agitation hors de ses frontières y compris Princip et sa bande ; semble être prête à transiger après l’ultimatum autrichien.
L’Autriche-Hongrie pas au mieux de sa forme gère la situation de manière débonnaire jusqu’à l’ultimatum précité où elle fait preuve de rigueur intransigeante.
La Russie, apparait aux yeux de l’Europe comme une puissance émergente (on verra ce qu’il en adviendra) où les politiques germanophobes vont s’imposer tout comme en GB.
L’Allemagne ne semble pas particulièrement belliqueuse (d’où les critiques contre le livre).
La France est décrite comme attendant avec impatience l’occasion d’entrer en guerre pour récupérer l’Alsace Lorraine (Poincaré est décrit comme un « casque à pointe « si j’ose dire.Il intéressant de noter que l’assassinat de Jaures n’est pas cité et que les ouvrages d’historiens français auxquels s’est référé l’auteur se comptent sur les doigts d’une main…
Bref et l’auteur l’indique aussi, avec notre vision du 21 ème siècle ce conflit aurait du être maitrisé ou localisé au lieu de déclencher ce que l’on sait.
S’il faut apporter quelques critiques je reprocherais l’absence de concision, la préciosité du style , l’absence de bibliographie (mais 100 pages de notes qui renvoient aux sources), et de chronologie.
5 * évidemment

Réservé aux spécialistes Plan chronologique

Oiseau Moqueur

Note globale :

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Avis de Octave : "L’Autriche-Hongrie est tombée par terre, c’est la faute à François-Joseph son arrière- grand-père, Le nez dans le guidon du vélo, c’est la faute à Sarajevo !"

Yves Ternon, dans Empire ottoman : Le déclin, la chute, l’effacement (paru en 2005), informait que lors des guerres balkaniques, l’Autriche-Hongrie désirait intervenir afin de bloquer l’expansion territoriale de la Serbie et que l’Allemagne l’en dissuada en lui indiquant qu’agissant alors pour son propre compte, l’Autriche ne serait pas soutenue. Christopher Clark dans Les somnambules écrit que :

« Au paroxysme de la crise de l’hiver 1913, en février, Guillaume écrit à François-Ferdinand pour le pousser à négocier une désescalade avec la Russie, sous prétexte que les problèmes en cause ne sont pas suffisamment sérieux pour justifier la poursuite de ce face-à-face armé ».

Christopher Clark développe magistralement (en particulier page 293) la frustration et le sentiment de danger qui agitent l’Autriche-Hongrie, non seulement du fait des Serbes, mais également par la consolidation de la Roumanie. Vienne n’arrive pas d’autre part à prendre le sandjak de Novi Pazar (ou Novibazar), du fait de l’opposition farouche de Poincaré (page 302), minuscule territoire où elle avait fait stationner des troupes de 1878 à 1908.

Le souhait austro-hongrois d’en découdre dès la fin de 1912 et en 1913 se traduit par la rédaction d’un télégramme pour le roi du Monténégro, texte qui ne sera pas envoyé car Nikola, sentant le danger, vient de retirer ses troupes et adresse un ultimatum à la Serbie afin qu’elle quitte certaines régions albanophones qu’elle vient d’occuper. Vienne fit intervenir sa diplomatie et cela déboucha (avec l’appui de l’Italie, alors son alliée et concurrente) sur la création de l’Albanie indépendante, laissant aux mains de la Serbie nombre de villages albanophones au Kosovo et en Macédoine. Trois cartes pages 258 et 259 montrent bien les frontières de 1912, les lignes de cessez-le-feu au 13 avril 1913, les frontières telles qu’elles sont à l’été 1914.

L’ouvrage rappelle que Raymond Poincaré, entre janvier 1912 et janvier 1913, est président du conseil, juste après que Joseph Caillaux ait réglé avantageusement pour la France la crise du Maroc, découlant du Coup d’Agadir. Il met en exergue certaines actions qu’il mena soit dans cette fonction, soit dans celle de président de la République. L’Autriche-Hongrie le considère à juste titre comme farouchement opposé à ses actions dans les Balkans, et l’Allemagne a vu en lui un belliciste avec sa vigoureuse action en faveur de la Loi des trois ans. Tout ceci ne serait pourtant rien s’il n’avait assuré, comme président du conseil en novembre 1912, à Sergueï Sazonov, ministre des Affaires étrangères de la Russie en novembre 1912, que la France soutiendrait la Russie si la querelle austro-serbe dégénérait en conflit généralisé (page 301). On est là dans les conséquences de la Première guerre balkanique qui voit la Serbie s’emparer de très larges régions albanophones et donc occuper des ports sur l’Adriatique au grand dam de Vienne. Cependant, cela n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.

De la lecture de cet ouvrage on voit que, si rien n’était écrit d’avance, il fallait que l’Autriche-Hongrie puisse se projeter dans un univers rassurant, et que pour cela, la solution la plus efficace lui paraissait la guerre et non des réformes constitutionnelles faisant une juste place à ses populations et en particulier aux Slaves qui tous réunis étaient plus nombreux qu’Allemands et Hongrois réunis. Petit à petit, une quasi-unanimité se fait sur cet objectif dans les cercles gouvernementaux de la double-monarchie

On est surpris de trouver, page 304, Millerand qualifié de « socialiste respecté », parce que venu du radicalisme; il s’est certes ensuite qualifié de républicain socialiste, mais n’a jamais été au parti socialiste SFIO créé en 1905, et à la fin de la Belle Epoque, il est à classer plus à droite que les radicaux valoisiens. Jean-Louis Rizzo a beaucoup écrit dans Alexandre Millerand: Socialiste discuté, ministre contesté et président déchu sur le respect qu’il a pu inspirer à droite comme à gauche, chez les civils comme chez les militaires, croyants comme laïcs…

Ceci ne doit pas gâcher l’énorme plaisir que l’on a en découvrant pourquoi la Première Guerre mondiale a éclaté du fait non de la situation dans les Balkans, mais de l’aveuglement et du désir d’en découdre de certains homme d’Etat. Rarement un livre n’a offert sur les prémices de la Première Guerre mondiale une vision si claire et si détaillées. Cerise sur le gâteau, un index et des illustrations dans les passages en rapport.

Octave

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