Avis de Benjamin : "Le Juste milieu islamique est dans un extrême-centre plus intolérant qu’un autre extrême-centre totalement occidental"
Cet ouvrage analyse le contenu d’un autre en l’occurrence Islam et laïcité face à face publié en 1987. Ce livre a été commis par le Cheikh égypto-quatari Yûsuf al - Qarḍâwî (1926-2022). Il appartient à un courant de pensée qui a pris pour nom "le Juste milieu islamique". Né en Égypte, il vit au Quatar à partir du début des années 1960. À la suite de la révolution de 2011, il est retourné en Égypte. Le 16 mai 2015, al-Qaradâwî a été condamné à mort par contumace par un tribunal égyptien.
Al-Qaradawi a eu une influence intellectuelle de premier plan au sein de l’organisation panislamique conservatrice des Frères musulmans. Loin de présenter des idées de conciliation entre l’islam et la laïcité, les points de vue d'al- Qarḍâwî étant considérés comme extrémistes. Il a cependant cherché à allier tradition et modernité, il prône une “démocratie islamique” fondée sur la charia.
En s’appuyant sur le droit musulman et les sources scripturales, al- Qarḍâwî défend l’islamisation de tous les domaines de la vie, il s’oppose à toute sécularisation de la société. Il dénonce l’absence du religieux dans la vie quotidienne et la législation en Occident. Il ne met pas en avant la rétablissement d’un califat, ce qui compte pour lui c’est l’application de la charia. L’expression de la foi doit être toujours ardente. Il écrit à ce propos : « Il faut supprimer cette distinction (tafrîq) entre les "musulmans" et les "islamistes" : musulmans par héritage de la foi doctrinale, et islamistes par l’orientation et l’allégeance. Nous devons tous être des islamistes » (page 39).
Après un avant-propos et une copieuse introduction permettant se faire une idée de l’influence des idées portées par Yûsuf al - Qarḍâwî dans divers pays et du contenu global de celles-ci (sur un mode pertinemment vulgarisateur, l’auteure approfondit son étude en trois grandes parties. Ce sont : L’appel à la wasatiyya (Juste milieu islamique), Pas de sectionnement entre religieux et non religieux dans la wasatiyya, La laïcité, une menace existentielle.
Dans ce dernier volet, il est question du jihâd. On peut lire là que le du jihâd est le nom verbal de jâhada. Ce dernier mot signifie "s’efforcer de", alors le jihâd est la lutte dans le sentier d’Allâh. Yolande Emy Crussol revisite ce concept à la lumière de divers penseurs à travers la réfutation que Yûsuf al - Qarḍâwî fait des idées d’autres sur la question. Pour ce dernier le jihâd n’est pas qu’un combat spirituel. La lutte vise pour lui la suppression de tout ce qui est blâmable, y compris les régimes impies où on n‘applique pas à la lettre la charia. Le jihâd ne connaît pas de frontières, il doit toucher l’ensemble des pays de la planète. La laïcité est porteuse de la mécréance, elle agresse l’islam et doit donc être combattue. On relève, pour la première partie, des explications autour du statut des dhimmis, changeant selon les époques.
Nous citerons le dernier propos de cet ouvrage, nous ayant permis d’approcher magistralement la pensée des Frères musulmans et de voir combien cette idéologie rejette la laïcité. « À partir du moment où un courant revendique le scellement global et intégral de la religion et de la civilisation, comment n’aspirerait-il pas la totalité de l’espace socio-politique ? Mais l’exclusivisme quel qu’il soit ne peut constituer la "troisième voie" que la Wasatiyya du Cheikh al - Qarḍâwî propose. La laïcité au contraire, loin d’être un danger, peut constituer "le juste milieu" de l’Occident pluraliste. Dans sa neutralité au centre, elle tend à éviter qu’une partie "ne prenne plus que son droit", ce qui est la définition même de la "position du milieu" chez le Cheikh al - Qarḍâwî » (page 321). On apprécie le glossaire de trois pages, où on va de "adab" à "zann".
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