La laïcité est-elle sacrée ?

L’ouvrage a deux préfaciers. La première est Isabelle de Mecquenem, une   agrégée de philosophie qui enseigne la philosophie de l’éducation. Elle a publié une synthèse sur la laïcité en 2018 aux éditions Studyrama intitulée Laïcité et valeurs de la République. Ce dernier  livre a connu sa quatrième édition en 2025. En 2021, elle avait été choisie par le gouvernement pour mettre en place la formation des agents publics sur les questions de laïcité.

Elle écrit notamment ici : « Le choix démocratique, en faveur de la liberté de conscience, de la liberté des cultes, de l’égalité en droit des citoyens quelles que soient leurs appartenances religieuses, n’est pas que politique. C’est aussi un choix culturel et anthropologique. Voilà pourquoi il peut se heurter à d’autres systèmes de même portée, se prévalant d’une conception de l’humanité antagoniste de celle des sociétés démocratiques ennemies des cléricalismes et des sectarismes résurgents. Ces systèmes refusent la liberté au nom de la liberté, comme nous le constatons aujourd’hui en France et à l’école en particulier. Des courants doctrinaires, que l’on peut qualifier à juste titre d’islamistes, veulent réduire la religiosité musulmane à une bigoterie afin d’établir leur emprise sur des quartiers entiers, ce qui passe par le contrôle des femmes » (page 11).

L’autre préfacier est Jean-Pierre Villain, un inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale. Il a été Directeur général de la Mission laïque française puis Président de la Fédération Générale des PEP (Pupilles de l’école publique). Il fut un des contributeurs du Dictionnaire de la laïcité dirigé par Martine Cerf et Marc Horwitz. Il relève que « loin d’être de mieux en mieux comprise, et défendue, tout se passe (hélas !) comme si l’idée de laïcité avait tendance à l’être de moins en moins, et donc aussi, forcément, de plus en plus combattue, voire rejetée avec violence » (page 15).

Il y a également une postface de Florent Pasquier maître de conférences en sciences de l’éducation et de la formation à l’Inspé de Sorbonne Université. Il codirige le groupe de recherche "Spiritualité et éducation". Il est Président du Centre International de Recherches et Études Transdisciplinaire (CIRET). Il se propose là de répondre à deux questions, la première est de savoir pourquoi la Constitution française a consacré la laïcité et la seconde porte sur les capacités d’une démocratie pluraliste de se passer de sacré.

Guy Lheureux fut d’abord fut instituteur pendant 20 ans et a été en particulier inspecteur de l'Éducation nationale française. D’autre part, il a le titre de Docteur ès Sciences de l'éducation après avoir soutenu une thèse sur la spiritualité laïque, une alternative à l'éducation morale.

Les quatre chapitres s’intitulent respectivement : Définition des concepts: la laïcité, le sacré, Pourquoi la laïcité à la française est-elle sacrée: voici les liens qui confortent cette affirmation, Difficultés et problèmes rencontrés, Conclusion.

Dans le premier chapitre, m’auteur rappelle ce qu’ont pu dire les philosophes de l’idée de la laïcité, en partant des Essais de Montaigne qui ne parle évidemment que de tolérance. Guy Lheureux écrit notamment que « la laïcité s’avère à la fois un produit d’une laïcisation qui fonde un État constitutionnellement neutre et celui de la sécularisation d’une nation, historiquement chrétienne, mais désormais ouverte, par nécessité, à d’autres cultures » (page 24). Il termine cette partie en questionnant singulièrement, Henri Pena-Ruiz autour de sa définition de la laïcité, des grignotages anti-laïques réalisés sous la Ve République et des entorses à la laïcité réalisées par des présidents de la République ou des chefs de gouvernement.  Guy Lheureux pointe en toute dernière extrémité l’apparition d’un cléricalisme islamique.

Notre auteur passe ensuite, toujours dans ce premier chapitre, à des définitions du sacré. Durkheim est en la matière un précurseur du sacré laïque. Guy Lheureux met au jour cinq éléments pour définir le sacré : dichotomie du sacré et du profane, puissance du sacré, présence d’interdits, symbolique des choses sacrées, expérimentation du sacré. Vers la fin de ce premier chapitre, on peut lire que « le sacré… ne renvoie ni à la science, ni à la théologie, ni au mental… mais à la conscience, à l’esprit, il est lié à "l’immensément respectable", à l’interdit, au mystère, à l’expérience, comme la béatitude devant la beauté merveilleuse (on ne retrouve pas les mots, qu’il s’agisse d’une musique qui vous "transporte", d’un tableau qui vous laisse "baba", d’un ciel magnifique dont l’admiration nous rend silencieux), sacré lié à l’approche par les sens, le subtil, le non-dit en lien avec le ressenti (personnel et connotatif), l’indéfinissable ou l’indicible, au silence, à une transcendance ou une immanence laïques…  » (page 87).

Pour le second chapitre, Guy Lheureux choisit d’aborder successivement ces points : La laïcité est sacrée, car considérée comme sacralisée en tant que valeur républicaine, La laïcité est sacrée, car elle respecte toutes les religions tout en se constituant "religion civile", Le respect de la nature et de l’environnement tisse des liens entre la laïcité et le sacré, Le respect de la nature et de l’environnement tisse des liens entre la laïcité et le sacré, La laïcité est sacrée, car la spiritualité crée des liens et des connexions entre la laïcité et le sacré, La laïcité est sacrée, car l’art laïque peut être considéré comme sacré…sans être religieux, L’école publique rapproche laïcité et sacré, Les concepts de sacré et de laïcité ne se rejoignent-ils pas, dans une exigence d’éthique et de moral, L’être humain : sa vie et son corps sont laïques et sacrés. 

Le troisième chapitre traite entre autre pour six pages de l’importance du sacré en franc-maçonnerie mais aussi permet de disserter autour de la notion de sacré dans les philosophies orientales et des liens entre transcendance, immanence et sacré.

La quatrième partie s’efforce de rependre à divers questionnements : Pourquoi et comment la Laïcité est-elle sacrée, et le Sacré est-il laïque, Les liens entre sacré et laïcité existent, pourquoi ?, La laïcité peut-elle être considérée comme sacrée ?, Le sacré peut-il être considéré comme laïque ?, Les reliances, entre sacré et la laïcité, sont-elles liées au contenu, à la sémantique, aux objets et faits, pourquoi ? La laïcité est-elle devenue sacrée quand la philosophie suggère une forme d’universalisation de sa reconnaissance en tant que valeur ?, Le laïque et le sacré ne composent-ils pas ensemble une nouvelle religion civique et éthique, non dogmatique, favorisant le vivre-ensemble en France.   

Guy Lheureux, toujours dans cette dernière partie, pour une dernière conclusion soulève que le sacré n’est pas une religion et impose nullement des dogmes, qu’en suivant les idées d’André Comte-Sponville il ne s’agit pas de confondre spiritualité et religion, que la philosophie peut avancer qu’il existe une laïcité sacralisée qui renvoie à une spiritualité laïque portée par des valeurs morales essentielles. Ces dernières entraînent au respect des lois de la République.

La lecture de livre fournira un bagage renouvelé à nombre de défenseurs de l’idée d’une laïcité porteuse des valeurs de respect, de liberté  et d’éthique. La spiritualité humaniste qui en découle est très loin évidemment de la préservation de l’identité chrétienne de la France, avec des exigences d’assimilation tellement hautes et spécifiques qu’elle rejette a priori une part de la population française issue de l’immigration.