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Le baptême forcé des enfants juifs : question scholastique, enjeu politique, échos contemporains

Le baptême forcé des enfants juifs : question scholastique, enjeu politique, échos contemporains
Les belles lettres 550 pages
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Avis de Adam Craponne : "Le baptême forcé et la communion en prime pour les plus grands"

On connaît bien souvent les péripéties de l’Affaire Finally  et récemment l’ouvrage HK récit donnait d’autres éclaircissements sur cette grenobloise Antoinette Brun va se voir confier à diverses moments des années 1943 et 1944 des très jeunes enfants juifs, les fera baptiser et refusera d’en rendre certains à leur famille. Moins d’une centaine d’enfants ont été repérés en 1947 par  l’Œuvre des orphelins israélites de la guerre, 84 exactement sont restés aux mains de familles chrétiennes qui se pensent adoptives. Incidemment Elsa Marmurztein revient sur cette affaire Finally pages 474 et 475.

Toutefois elle évoque de façon plus large les difficiles retrouvailles entre enfants juifs ayant passé deux à trois ans dans des milieux chrétiens aimants et leurs parents (au sens large). Alexis Danan  (d’ailleurs journaliste actif contre les maisons de correction tel Mettray dans l’Entre-deux-guerres) est un juif algérien non pratiquant (né en 1890) et est contraint de suspendre ses activités de journaliste sous l’Occupation ; il publie une série d’articles dans Libération en décembre 1944. Ces informations biographiques auraient gagné à être glissées dans l’ouvrage pour mieux saisir le fossé entre une vision de l’époque et une pensée moralisante simplificatrice du XXIe siècle. Nombre d’enfants juifs refusèrent plus ou moins longuement de se laisser embrasser et repartir avec leurs parents biologiques (une approche des raisons de cette attitude est faite dans les pages 480 et 490). Dans un de ses articles, Alexis Danan écrit :

« Ceux-là vous ont délibérément répudiés, juifs pauvres de Clignancourt  ou de La Villette, qui les avez laissés, imprudents, à l’âge de leur enseigner le Dieu jaloux de vos pères. Si vous n’êtes morts, vos enfants sont morts pour vous. C’est ici, en vérité, la grande dispersion ». (page 486)

Bien que baptisé en août 1940 à près de 14 ans, Jean-Marie Lustiger n’entre pas dans le cas de personne ayant subi une conversion de force ou de circonstance.  Comme le dit le sous-titre la vision du sujet est très globale et on découvre que les premières mentions de conversions forcées, soit à l’initiative d’évêques soit à des souverains  remontent à la fin du VIe siècle.

« Les baptêmes forcés ordonnés par Chilpéric en 582 constituent la première persécution antijuive d’initiative royale dans le monde barbare ». (page 204)

Si la conversion générale des juifs ordonnée par Dagobert en 632 est douteuse du point de vue historique, par contre les persécutions antisémites en Espagne wisigothique sont réelles. Le canon 60 du quatrième concile de Tolède (de 633) prescrit l’enlèvement des enfants juifs pour les élever dans le christianisme. Au passage on comprend mieux pourquoi les juifs aidèrent les cavaliers arabes à faire la conquête du royaume wisigoth, un autre concile de Tolède soixante après celui évoqué entend réduire les juifs en esclavage. Dans l’affaire Mortara,  à Bologne dans les États pontificaux en 1858 (ces derniers brillent de leurs derniers feux), l'enfant juif enlevée par sa nourrice catholique n'est pas restituée par l' Église.

Cette image est absente de l'ouvrage

La seconde époque des baptêmes forcés est liée au déclenchement de la première croisade, dans le même temps les juifs sont accusés d’infanticide.  Toutefois du XIIIe au XVe siècle la controverse théologique sur cette pratique de conversion forcée prend une rare ampleur, au centre du débat les martyrs non baptisés que sont les saints Innocents, petits enfants juifs dont l’Évangile de Matthieu (2, 16-18) rapporte le massacre. L’absence d’engagement propre de l’enfant dans le baptême et le dogme du sauvetage des âmes par le sacrement que constitue le baptême autorisent l’argument de la foi pour l’autre.  

Pour connaisseurs Aucune illustration

Adam Craponne

Note globale :

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734 critiques
15/04/18
Le musée des Antiquités de Rouen présentera, à partir du 25 mai 2018 l’exposition Savants et croyants. Les juifs d’Europe du Nord au Moyen-Âge.
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