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La nation impossible? Construction nationale en république de Moldova et au-delà

La nation impossible? Construction nationale en république de Moldova et au-delà
L’Harmattan2016 pages
1 critique de lecteur

Avis de Adam Craponne : "Construire un état quand le modèle de l’État-nation est remis en cause"

L’état actuel de Moldavie, qui couvre en gros une région qui s’appela parfois Bessarabie, eut une histoire bien agitée. La chronologie présentée page 482 démarre en 1432 avec la création d’une principauté moldave qui est presque le double de celle d’aujourd’hui puisqu’elle s’étend des deux côtés du Prout, ce qui n’est pas précisé. De plus aucune carte à part celle de la couverture n’est proposée, cette absence de carte est un cruel manque que ne vient pas combler cette très intéressante chronologie en petits caractères sur une dizaine de pages.

Ces cartes ne sont pas dans le livre

En fait l’état moldave d’aujourd’hui couvre à peu près les deux-tiers de la Bessarabie enlevée en 1812 à l’empire ottoman par la Russie et s’étend en plus théoriquement au-delà du Dniestr dans ce qu’on nomme la Transnistrie (région d’un peu plus de 4 000 km2 qui appartenait à l’Ukraine avant 1940).

Née en 1992, la Moldavie n’a jamais été un état indépendant depuis 1512 (et dans les années d’indépendance de 1432 à 1512 elle était bien plus étendue), passant des Turcs aux Russes, puis aux Roumains pour intégrer l’URSS jusqu’à la dislocation de cette dernière.   

Ce travail est issu d’une thèse qui analyse les formes de la construction nationale en République de Moldavie.

L’auteur évoque les théories qui expliquent les conditions nécessaires pour la constitution d’une nation. Un tableau très intéressant page 70 donne les critères définis par Gellener et Schnapper pour une construction nationale. On retiendra quelques pages plus loin que :

« La nation ou la mobilisation nationale des citoyens émerge en réponse à l’effritement des liens traditionnels qu’entraîne la modernisation » (page 79)

La question est posée  d’un développement parallèle ou non de l’état nation et d’un processus démocratique (page 81).

Dans ce deuxième chapitre très théorique est posée la place des minorités dans une dynamique d’égalité juridique et politique.

Avec le chapitre III on passe à une partie plus historique qui pointe bien le rôle de protecteur des orthodoxes que s’est assigné Moscou après la chute de Constantinople. Avec le développement des nationalismes dans les Balkans dans le milieu du XIXe siècle l’empire russe est freiné dans son extension territoriale et par ailleurs ce dernier engage une centralisation de son état et une russification de ses sujets. Les tzars distinguent de chaque côté du Prout une Bessarabie à intégrer et une Roumanie (autonome en 1852 et indépendante en 1878) à contrôler. Des membres des élites locales de Bessarabie sont philoroumaines, alors que d’autres se russifient. Par ailleurs on passe de 14% de Russes et Ukrainiens confondus en 1817 à 29% en 1897 quand dans le même temps les juifs montent de 1 à 12%. De nombreuses minorités existent par ailleurs, si bien que les Moldaves sont passés de 86 à 48% durant ces 80 ans.     

Après un peu plus de vingt ans comme région du royaume de Roumanie, la Moldavie dans ses actuelles frontières redéfinies par Moscou est devenue une république soviétique. L’auteur pose les questions de l’expression d’une certaine identité nationale moldave qui se construit, d’une langue moldave qui se différencie du roumain, du bilinguisme se développant (moldave et russe) et du nombre de mariages entre un ou une Moldave et un représentant d’une autre nationalité (c’est évidemment plus fréquent avec un Russe ou un Ukrainien qu’avec un Gagaouze ou un Bulgare par exemple).  Angela Demian pointe la non-adéquation entre culture et ethnicité ainsi que la pluralité des références ethno-culturelles.

Sur quelles références historiques peut-on assurer la légitimité de la Moldavie comme état et assurer la cohésion de sa population ? La question des réalités actuelles (appuyées sur des symboliques) de ce pays et de l’avenir de la Transnistrie sont posées. L’intégration de la Moldavie à l’Union européenne se fera et après celle-ci on pourrait envisager une accélération lente mais sûre des échanges (dans tous les domaines) entre Roumanie et Moldavie qui pourrait déboucher sur une unification dans le long terme.  En fin de compte le couple Roumanie/Moldavie fait penser un peu aux couples Corée du sud/Corée du nord (d’autant qu’en langue coréenne ces deux pays ont un nom différent qui ne fait pas référence au mot Corée) et Taiwan/Chine qui ont vévu fort longtemps sous des souverainetés différentes alors que leurs habitants pensent être du même peuple.

On retiendra cette phrase de notre ouvrage:

« Comment consolider l’unité politique dans la diversité lorsqu’il est impossible de mobiliser dans l’édification nationale les ressources identitaires de la population majoritaire, étant donné le conflit qui oppose les énonciateurs de la moldavité (identification subjective ou registre de l’ethnicité) et ceux de l’idiome de la roumanité (définition identitaire par référence à la culture objectivée) ? » (p. 236)

Réservé aux spécialistes Aucune illustration

Adam Craponne

Note globale :

Par - 734 avis déposés - lecteur régulier

318 critiques
16/09/16
En France, la diaspora moldave est évaluée à 40.000 personnes

http://www.streetpress.com/sujet/1464796454-gare-routiere-moldave-paris-nation
663 critiques
23/12/16
En Moldavie le vin est une denrée alimentaire et non pas une boisson alcoolisée

En savoir plus: https://fr.sputniknews.com/international/201612181029227764-vin-boisson-non-alcoolisee-moldavie-loi/
734 critiques
13/08/17
En Moldavie, une synagogue à l’histoire terrible mise en vente rue de l’Holocauste
http://www.tourmag.com/La-Moldavie-terre-inconnue-a-l-Est_a88390.html
734 critiques
20/08/17
L’enseignement de l’Holocauste en Moldavie s’améliore mais peut mieux faire
http://fr.timesofisrael.com/lenseignement-de-lholocauste-en-moldavie-sameliore-mais-peut-mieux-faire/
734 critiques
02/08/18
Cricova est une cité souterraine qui abrite des dizaines de milliers de crus exceptionnels, héritage, en partie, de la collection personnelle d'Hermann Göring
https://information.tv5monde.com/info/Moldavie-boire-cricova-et-puis-mourir-35745
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