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Pestalozzi au cœur du tournant pédagogique

Pestalozzi au cœur du tournant pédagogique
Antipodes 155 pages
1 critique de lecteur

Avis de Ernest : "Paris a une rue Pestalozzi depuis 1891, elle est judicieusement située près du Jardin des plantes"

Marc Soriano dans son ouvrage Guide de littérature pour la jeunesse consacre un article aux rapports que Napoléon Bonaparte (consul ou empereur) entretenait avec le développement de la scolarité. Dans ses mémoires, ce dernier se plaint d’un manque de temps pour s'occuper de son développement; en fait comme l’avance Soriano Napoléon ne s’intéressait pas à la question (voire même craignait un peuple français instruit dans son ensemble). Avec le très grand nombre d’hommes sous les drapeaux  sous son règne, on assiste à l’aggravement d’une déscolarisation du peuple déjà sensible sous le Directoire. On sait que dans certaines familles, on trouve une génération d’illettrés au milieu de membres qui savent lire. L’écrivain bourbonnais Émile Guillaumin raconte  que  l’un de ses grand-pères (né vers 1800) était illettré alors que le père de celui-ci avait appris à lire sous l’Ancien régime.  

Marc Soriano rapporte qu’en 1802 le pédagogue suisse Pestalozzi demande à rencontrer le premier consul au sujet du développement des écoles, Napoléon Bonaparte refuse prétextant qu’il n’a « pas le temps de s’occuper de l’ABC ». Daniel Tröhler s’intéresse au pédagogue, que l’on a souvent présenté comme le père de l’école moderne mais aussi au patriote et républicain suisse. En fait ce dernier fut moins un pédagogue qu’un avocat de la scolarisation à une époque où il avait une chance d’être entendu, vu l’apparition du mouvement des Lumières  et le développement de l’idée d’état-nation. Ceci dit la forme que prit la scolarisation dans les états européens au cours du XIXe siècle est bien loin de ressembler à celle que prônait notre pédagogue suisse.  

Ce tableau représentant Pestalozzi à Stans n'est pas reproduit dans ce livre

C’est pourquoi l’auteur ne commence pas par la biographie de son personnage mais par un tableau général des transformations politiques, économiques et sociales qui permirent un tournant pédagogique.  Nous trouvons bon de préciser personnellement que Pestalozzi était issu d’une famille protestante de Valteline, cette région (de langue italienne) était vassale des Trois Ligues (qui allaient plus tard devenir le canton suisse des Grisons) jusqu’à ce que Napoléon Bonaparte ne la fasse partie intégrante de la République cisalpine et qu’après 1815 elle ne fasse partie des possessions italiennes de l’empereur d’Autriche. Notre personnage est donc issu d’ancêtres réfugiés à Zurich pour des raisons religieuses. Un des points du premier chapitre se nomme d’ailleurs "Le protestantisme et le renforcement de l’âme par l’éducation".

Dans le troisième chapitre, l’auteur évoque une scolarisation assez erratique pour notre personnage et une entrée à l’Académie de Zürich en 1763, fruit d’une traduction personnelle par Marianne Enckelle du fait que Johann Heinrich Pestalozzi fréquente le Collegium Carolinum, une institution qui tient quasiment lieu d’université. Comme le chapitre deux nous l’a expliqué, les années 1760 voient un certain nombre des étudiants de cette école dans des actions de contestation des institutions oligarchiques du canton et de la corruption de certains hauts fonctionnaires.  Pestalozzi est inquiété pour avoir aidé l’auteur d’un libelle à s’enfuir. Le 30 septembre 1769 notre personnage se marie alors qu’il est agriculteur au domaine du Neuhof à Birr (actuellement dans le canton d'Argovie) et tente de s’occuper d’un certain nombre d’enfants pauvres des alentours. 

« Au Neuhof, l’institution d’éducation et de travail pour les pauvres voisinait avec un atelier et une maison d’enfants ». (page 43)

Dans les chapitres suivants, Daniel Tröhler continue à présenter les idées développées par Pestalozzi en les situant dans le contexte intellectuel et historique des Lumières et l'esprit d'optimisme en les valeurs républicaines en général et les actions de la République helvétique (nom officiel de la Suisse de 1798 à 1803). Il en resort que Pestalozzi n'a pas été l'un des fondateurs de l'école moderne, mais plutôt une figure de proue de l’idée que l’école apportera des solutions à la question sociale. Les jeunes générations scolarisées, selon lui, ayant reçu un embryon de formation professionnelle, s’investiront dans les nouvelles techniques agricoles et trouveront leur place dans le cadre d’une petite industrie faite d’ateliers.

Le théologien bernois Philipp Albert Stapfer, ministre des Arts et sciences de la République helvétique de 1798 à 1800, apporta un large soutien à Pestalozzi . Son ministère comprenait quatre sections : les églises, les écoles, les arts et les bâtiments et il s’entoure en plus de notre personnage de pédagogues autres tel que le père fribourgeois Girard (voir à son sujet chez ALPHIL Un pédagogue à l'origine de l'école actuelle) et Johann Rudolf  Fischer. Ce dernier est un Bernois qui devint directeur de l'école normale privée de Berthoud.  Stapfer fonde la Société des amis de l’éducation qui publie en 1801 l’ouvrage Comment Gertrude instruit ses enfants qui expose la méthode de Pestalozzi. Les derniers chapitres de l'ouvrage de Daniel Tröhler posent les questions du développement des idées pédagogiques de Pestalozzi à l’époque de sa vie tant sur le territoire de la Suisse que dans l’ensemble de l’Europe continentale occidentale puis après son décès aux États-Unis.

Nous préciserons personnellement qu'un décret de l'Assemblée nationale du 26 août 1792 déclare que:

« considérant que les hommes qui, par leurs écrits et par leur courage ont servi la cause de la liberté et préparé l'affranchissement des peuples, ne peuvent être regardés comme étrangers par une nation que ses lumières et son courage ont rendue libre, déclare conférer le titre de citoyen français à Heinrich Pestalozzi ».

Notre personnage réside à Yverdon (dans une partie francophone de la Suisse) de 1802 à 1824 et meurt à Brugg (dans le canton d’Argovie) en 1827.  Il est à noter que le Centre Pestalozzi d’Yverdon (ville du canton de Vaud, au bord du lac de Neufchâtel) tient au Château un colloque international francophone des 27 et 28 octobre 2016, son thème est "La pédagogie à l'épreuve de la question sociale" (voir http://www.centrepestalozzi.ch/index.php?id=3223&tx_ttnews%5Btt_news%5D=1040&cHash=d1064db290010c4413001ef54c2a8fe8). Ce centre de documentation et recherche édite un bulletin annuel (voir http://www.centrepestalozzi.ch/index.php?id=3175).

Pour connaisseurs Aucune illustration

Ernest

Note globale :

Par - 318 avis déposés -

318 critiques
07/10/16
Il y a cinquante ans le 8 octobre 1966 disparaissait Célestin Freinet.

http://www.fimem-freinet.org/
465 critiques
27/10/16
Sous la haine de la pédagogie, celle de l’égalité

http://www.questionsdeclasses.org/?Sous-la-haine-de-la-pedagogie-celle-de-l-egalite
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