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Le crépuscule de la monarchie ou les sacrifices des Gardes suisses

Le crépuscule de la monarchie ou les sacrifices des Gardes suisses
Cabédita 296 pages
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Avis de Adam Craponne : "Un as de la serrurerie perd les clés du pouvoir"

En France le 10 août 1792 a pour nom "La prise des Tuileries", outre-Jura il a pour qualificatif "Le massacre des gardes suisses". Un des témoignages de la journée nous est fourni par un cousin de Benjamin Constant qui était sous-lieutenant (avec rang de capitaine), son journal couvre d’ailleurs du 8 août au 13 septembre de cette année.

L’effectif des gardes suisses était de 1 500 hommes  à cette date (pour plus de 2 000 en 1789) mais seulement la moitié d’entre eux sont aux Tuileries le 10 août, quelques nobles français se joignent à eux. En face d’eux il y a 35 000 hommes armés parmi une foule de 100 000 personnes.

Les gardes suisses ont pour colonel le Fribourgeois Louis Auguste d’Affry. Alain-Jacques Czouz-Tornare rappelle que les soldats suisses au service du roi concentrent l’hostilité des masses envers eux ; ils portent l’image de mercenaires vendus au tyran.  Déjà le 14 juillet 1789, ils avaient en vain défendus la Bastille et notre auteur va retracer la place des Gardes suisses dans toutes les journées révolutionnaires qui ont précédées la journée du 10 août 1792.

Il rappelle qu’à Nancy le régiment de Châteauvieux, composé de soldats suisses, participe à une mutinerie le 2 septembre 1790 aux côtés de régiments français. Cet évènement a pour une de ses conséquences l’accélération du second départ de Necker qui se fait le trois septembre 1790. Les révolutionnaires (et en particulier Marat originaire de la principauté de Neuchâtel) prennent leur parti font libérer ces militaires (parmi lesquels où se trouvent de nombreux Suisses) qui sont devenus bagnards.  

« Ce sont d’anciens soldats suisses qui vont populariser le bonnet phrygien, ce symbole des esclaves affranchis, en portant leur bonnet rouge quand ils arrrivent à Paris. La présence dees Suisses patriotes de Châteauviaux et la fête de la Liberté, organisé en leur honneur le 15 avril 1792 à Paris, qui en sera le couronnement, vont définitivement consacrer et légitimer le couvre-chef emblématique du sans-culottisme. » (page 95)

L’auteur nous raconte l’évènement du 10 août en insistant sur l’idée que nombre d’officiers suisses sont volontairement absents lors de la prise des Tuileries. On apprend quel fut le devenir des survivants de ces régiments et évalue le nombre des exécutés et les dates de ces massacres. Nombre de gardes suisses rentrent dans leur pays dans la fin de l’été 1792, toutefois on retrouve des anciens gardes suisses dans les deux camps durant les Guerres de Vendée mais nettement plus dans le camp républicain que dans le camp contre-révolutionnaire. D’ailleurs ceux qui se firent un nom furent François Amey qui terminera général de division et le chef de brigade Claude François Sandoz qui, après avoir mâté la révolte du régiment suisse de Châteauvieux réprime la révolte vendéenne et est mis à la retraite l’année 1796 en raison de ses pillages. 

Alain-Jacques Czouz-Tornare montre ensuite comment deux mémoires antagonistes se construisent autour de cette fameuse journée. D’ailleurs dans chacun des deux pays ces mémoires sont contestées par une frange importante de la population. Page 252 l’auteur montre que le chant entonné, par le lieutenant David Leger, pour donner du courage aux soldats suisses en 1812 lors de la bataille de la Bérézina, devient le chant mémoriel du sacrifice des gardes suisses.  Le texte est :

« Notre vie est un voyage
Dans l'hiver et dans la nuit ;
Nous cherchons notre passage
Sous un ciel où rien ne luit.

La souffrance est un bagage
Qui meurtrît nos reins courbés.
Dans la plaine aux vents sauvages
Combien sont déjà tombés ?

Dans la plaine aux vents sauvages
La neige les a couverts.
Notre vie est un voyage
Dans la nuit et dans l'hiver.

Pleurs glacés sur nos visages,
Vous ne pouvez plus couler.
Et pourtant, amis, courage,
Demain va nous consoler.

Refrain:
Demain, la fin du voyage
Le repos après l'effort,
La patrie et le village,
Le printemps, l'espoir, la mort ».

Les annexes sont très intéressantes et proposent entre autre un recensement et une description des lieux de mémoire à Paris et divers endroits d’outre-Jura. Par ailleurs il est reproduit un nombre non négligeable de témoignages sur l’évènement, parfois issus d’interrogatoires de gardes suisses.

Rappelons que cette journée débouche sur l’emprisonnement au Temple de la famille royale. De cet ouvrage, fort heureusement illustré, on retiendra cette phrase tirée des lignes de conclusion :

« Le 10 août 1792 est le drame de ceux qui ne devaient pas se trouver là mais qui, en retour, ont donné à cette journée cette dimension d’irrémédiable rupture. »     

Si l’auteur cite quelques films évoquant l’événement, nous renverrons à la pièce Les Suisses de Pierre Aristide Bréal présentée en 2007 à la salle des fêtes de Messery en Haute-Savoie après être passée au Théâtre ce soir en 1969. On peut en voir un extrait assez long ici http://www.ina.fr/video/CPF86604267

Alain-Jacques Tornare sort simultanément en France aux éditions SPM La prise des Tuileries et le sacrifice de la Garde suisse, Dix août 1792 et aux éditions Cabédita   Le crépuscule de la monarchie ou les sacrifices des Gardes suisses. Si le premier compte une trentaine des pages en plus (et coûte cinq euros de plus) c’est parce qu’il propose en plus une préface de Jean Tulard et un index des noms de personnes.   

Pour connaisseurs Quelques illustrations

Adam Craponne

Note globale :

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